La Solennité du Saint-Sacrement est la touche belge du calendrier liturgique de l’Église universelle, établie à l’instigation d’une sainte belge, Julienne de Cornillon, qui fut enterrée à l’abbaye de Villers en 1258. Cette année, nous fêtons deux anniversaires liés à l’histoire de cette Solennité : les 755 ans de la publication de la bulle papale Transiturus de hoc mundo instituant la Fête-Dieu pour toute l’Église et les 630 ans de son inscription parmi les fêtes de précepte.
La Fête du Saint-Sacrement, avec la Solennité du Sacré-Cœur de Jésus ou le récent Dimanche de la Miséricorde divine, compte au nombre des fêtes liturgiques instaurées suite aux révélations privées (toutes d’ailleurs reçues par des femmes qui se sentent incapables de la mission qui leur est confiée par Dieu). Son établissement est le fruit d’un long cheminement, d’abord de Julienne (qui va se taire pendant vingt ans au sujet de l’image intérieure du disque de la lune incomplète qu’elle perçoit régulièrement en prière), mais aussi des autorités ecclésiastiques de l’époque, partagées quant à l’utilité d’une telle fête. Cependant, c’est entre autres au futur pape Urbain IV que l’on demandera l’avis sur le message que reçoit Julienne dans sa prière : instaurer dans l’année liturgique une fête qui manque (c’est la fraction manquante au disque de la lune, cette dernière représentant l’Église) pour honorer la présence du Christ, sous les espèces du pain et du vin, au milieu de ses fidèles. Après moult péripéties et virages institutionnels, l’évêque de Liège demande de célébrer la fête sur son lit de mort (nous sommes en 1246). Une vingtaine d’années plus tard, c’est le pape Urbain IV qui, convaincu par le miracle eucharistique de Bolsène, va introduire en 1264 la Fête-Dieu dans le calendrier liturgique universel. Julienne, proche de l’esprit cistercien, décède avant, en exil, et est enterrée, à sa demande, à l’abbaye de Villers. Ses restes furent dispersés à la Révolution. Aujourd’hui, seule une plaque commémorative se trouve au fond du cœur de l’abbatiale de Villers-la-Ville.
Il n’est cependant pas question de faire mémoire des convergences historiques. Le cœur de cette solennité, c’est la célébration de la présence efficace et réelle de Dieu au milieu de son peuple. Réalité bien ancrée bibliquement : il suffit de penser à la Tente de la rencontre, lieu où se trouvait l’Arche de l’Alliance, signe par excellence de la présence fidèle de Dieu auprès des siens. Dans sa bulle, Urbain IV reprend les phrases de Jésus : « Je ne vous laisserai pas orphelins… Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps… » pour parler de la présence corporelle de Jésus dans l’Eucharistie : « Il s’est fait Lui-même notre nourriture et notre breuvage. Le Donateur passe en don et la chose donnée est la même que Celui qui donne. II se donne tout entier ! »[1] Mystère de foi qui a fait fuir beaucoup de disciples (Jn 6,66), le pain eucharistique est vraie nourriture, condition de la vie éternelle (Jn 6,54-55). Vraie nourriture non seulement pour l’âme, mais aussi pour le corps si l’on pense à Marthe Robin, vraie nourriture pour l’intelligence si l’on pense à saint Thomas d’Aquin qui mettait sa tête, dit-on, dans le tabernacle quand il avait une difficulté théologique à résoudre. Vraie nourriture qui transforme notre intérieur à travers nos sens et notamment par notre regard : « Qui regarde vers lui resplendira » (Ps 33,6). Cette présence sous les aspects du pain et du vin est un mystère qui continue le récit d’Emmaüs à rebours (si l’on pense aux nombreux miracles eucharistiques, comme celui de Bois-Seigneur-Isaac, où se dévoile la présence cachée du Dieu fait homme), mais nous pose parfois un peu plus de difficulté… Mystère enfin de l’unité de l’homme dont tout l’être est appelé à se nourrir de la présence de Dieu.
À notre époque, marquée par la recherche du bien-être dans la vie, l’unité de la personne humaine est une clé pour la pastorale. La bonne nouvelle qui prend en compte la dimension corporelle autant que spirituelle a toutes les chances d’être accueillie. Il n’est peut-être pas si étonnant que renaît parmi les catholiques, et notamment les jeunes, la pratique de l’adoration eucharistique qui donne un « avant-goût » du ciel, puisque « nous lui serons semblables car nous Le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2).
Au Brabant wallon, depuis plusieurs années, le Service de la catéchèse organise la Fête du Pain de Vie pour les enfants de catéchèse – et leurs familles – notamment ceux qui ont vécu leur première communion eucharistique au cours de l’année. Cette année, nous nous donnons rendez-vous à l’Abbaye de Bois-Seigneur-Isaac pour faire mieux connaissance avec Jésus-Pain de Vie. Vous y êtes bienvenus !
À Liège, pays d’origine de la solennité, les célébrations durent du jeudi après le dimanche de la Trinité (jour même de cette fête, maintenu dans les pays où il est férié) jusqu’au dimanche qui suit (jour où l’on fête Corpus Domini dans les pays où le jeudi n’est pas férié). Au programme, entre autres, l’incontournable procession du Saint-Sacrement dans les rues de la ville.
À Rome, les rues où passe la procession sont tapissées de fleurs.
Animation :
Pour aller plus loin :
[1] Source : Jean-Pierre Delville, « Julienne de Cornillon à la lumière de son biographe », dans André Haquin (éd.) Fête-Dieu (1246-1996). 1. Actes du colloque de Liège, 12-14 septembre 1996, Louvain-la-Neuve 1999, pp. 27-53.
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