Écho du colloque «Entendre et proposer l’Évangile avec les jeunes»

Du 12 au 15 février s’est tenu à l’université catholique (la Catho) de Paris le  colloque bisannuel organisé par l’Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique. Inspiré par le synode sur « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel » d’octobre 2018, le colloque a rassemblé environ 300 participants venus d’aires francophones de tous les continents.

Les nombreux intervenants se sont penchés sur la question de l’articulation Église-jeunes. À partir d’une interrogation sur le positionnement de l’Église vis-à-vis des jeunes, les travaux du colloque ont abouti à l’affirmation suivante : « D’un colloque sur les jeunes à un colloque sur l’Église… Ils ne sont pas un fragment de l’Église, ils nous invitent à donner une nouvelle forme à l’Église. » En effet, le Document final du synode dit : « Les jeunes catholiques ne sont pas simplement les destinataires de l’action pastorale, mais des membres vivants de l’unique Corps ecclésial, des baptisés en qui l’Esprit du Seigneur vit et agit. » (§ 54) Loin donc de se centrer sur l’Église en tant que telle, les participants se sont laissées interpeller de différentes manières et à différents niveaux en vue de changements nécessaires dans la pastorale envers les jeunes.

Témoignages des participants au Synode

Plusieurs intervenants s’étaient rendus au synode en tant qu’experts. Ils ont surtout partagé les nouveautés instaurées par le pape François, dont la plus appréciée fut la consigne de 3 minutes de silence au bout de 5 interventions d’orateurs. Par ailleurs, les experts, les jeunes et les évêques avaient tous le droit d’intervenir en plénière, sans distinction, ce qui fut une première. Don Sala Rossano, secrétaire spécial du synode, a attiré notre attention sur les renversements qui ont eu lieu pendant le synode et dont on aperçoit le reflet dans le Document final. Celui-ci renverse l’ordre de réflexion proposé en juin 2018 dans le Document de travail. Le premier document parlait du besoin de discerner pour pouvoir accompagner, le document final parle de l’accompagnement qui débouche sur le discernement. Ainsi, tout naturellement, le récit des disciples d’Emmaüs devint une des références primordiales du chemin synodal (le mot synode venant du grec syn et odos : faire route ensemble), d’ailleurs complété par deux autres récits de Résurrection : Pierre et Jean au tombeau et Marie-Madeleine au jardin. Le secrétaire a également dit que les paragraphes centraux du Document final qui traitent de la liberté sont, selon lui, le fruit le plus mûr de la réflexion synodale. Il a partagé  une vidéo que des jeunes qui avaient assisté au synode lui avaient envoyée, car ils trouvaient qu’elle reflétait bien la prise de conscience qui a eu lieu au cours du synode : pour résoudre des petits problèmes, les anciens peuvent aider les jeunes, pour les grands problèmes, ce sont les jeunes qui peuvent aider les anciens à les dépasser. Vous pouvez visionner cette vidéo en fin de cet article : le thème des deux chèvres est ensuite revenu à plusieurs reprises dans les échanges au colloque…

Réflexion sur l’Église

Don Sala a insisté sur le fait que notre liberté a une structure « responsoriale » : elle nous porte à répondre et donc à être responsables… Don Salvatore Currò, dans une intervention philosophique et anthropologique, est allé un pas plus loin en nous démontrant à quel point notre existence-même se vit sur le mode de réponse : réponse au don de la vie qui nous précède. Ainsi, toute notre vie a une dimension vocationnelle : nous avons été appelés à l’existence et la vie que nous menons est une réponse à ce don, à cet appel premier, qui va seulement ensuite se décliner en réponses à des appels spécifiques que nous percevrons au cours de notre existence. Dans une méditation qui nous a bouleversés, dans un registre poétique, Ivo Seghedoni,  nous a interpellés, à partir de la parabole du fils prodigue : Église, dans quelle mesure es-tu prête à vivre de manière constructive le fait d’être comme délaissée par le jeune fils ? Es-tu prête à diminuer pour que lui grandisse ? Frère Enzo Biemmi a donné pour sa part une relecture du synode à la lumière de l’exhortation Evangelii gaudium qui est, selon lui, le cadre missionnaire de l’Église d’aujourd’hui. Avec franchise, il nous a lancé la question : quand on parle des jeunes et de l’Église, c’est qui qui s’est éloigné de qui ? Il a relevé trois déplacements auxquels nous sommes appelés : le décentrement de l’Église d’elle-même vers le Christ ; l’incarnation : éviter « la tentation de se tenir à distance » ; nous inspirer de la scène de la Présentation de Jésus au Temple : si l’Église de l’Europe vieillit comme Syméon et Anne (dans la prière et l’attente du Seigneur), elle saura reconnaître Dieu qui vient à elle.

Analyses sociologiques

Quatre interventions nous ont donné un précieux éclairage sociologique et historique. Le professeur Perrault, de l’Université de Laval au Québec, a montré comment le concept de jeunesse est une construction sociale produite par le monde adulte (d’ailleurs, un jeune qui a participé au synode nous avait dit à l’ouverture du colloque : « il n’y a pas « une jeunesse », mais des jeunes »…) Il a montré comment on peut considérer la jeunesse comme un groupe social ou comme un temps de vie. Dans ce deuxième cas, il est flagrant d’observer le changement de perception sociale : autant jadis on disait « Il faut que jeunesse se passe », autant aujourd’hui on essaie à tout prix de rester jeune à l’infini. Tout cela n’est pas sans lien avec l’effacement de la réalité de la mort de l’espace social ni avec la dépréciation de la vieillesse dans notre société. l’intervenant a attiré notre attention sur le fait qu’il est toujours utile de garder à l’esprit que nous sommes en train de parler autant de la réalité (et des jeunes) que des représentations  que nous nous faisons de celle-ci. Dans cette lignée, trois sociologues français nous ont donné un aperçu des sondages les plus récents sur les jeunes, leur capacité de s’engager et leur potentiel évangélisateur sur les réseaux sociaux. Conclusions importantes : les jeunes s’engagent, mais avec une préférence pour les engagements ponctuels, et sans militantisme. La stabilité économique y aide sensiblement. En ce qui concerne la présence des jeunes sur le web, deux éléments ont été pointés : l’homophilie, c’est-à-dire la sélectivité dans les contacts et le type d’information consulté (à laquelle contribue grandement le système des cookies ainsi que l’indexation opérée par les moteurs de recherche), un risque que les digital natives soient également des digital naives. Par ailleurs, il s’avère que l’évangélisation n’est pas une préoccupation pour les jeunes catholiques connectés, au contraire, ils vont liker des contenus, mais sans forcément les partager, pour ne pas heurter les amis qui ne partagent pas leurs convictions. Les partages se vivront plutôt entre amis ayant les mêmes croyances ou valeurs. D’où la conclusion d’un des sociologues : il y a ici un potentiel d’évangélisation plutôt ad intra qu’ad extra. Enfin, le professeur Charles Mercier nous a présenté l’histoire du couple « Église et jeunes ». Il a montré comment dans l’attitude des papes depuis le XIXe siècle l’image et la place des jeunes a évolué – quelque part en parallèle avec les changements sociétaux – jusqu’à devenir sous le pontificat de Jean-Paul II ce qu’il a appelé « une option préférentielle pour les jeunes ».

Regards bibliques

Deux apports ont également considérablement enrichi les réflexions du colloque du point de vue des Écritures. Le père Hernandez, en bon jésuite, nous a proposé une lecture originale du processus vocationnel à partir du tableau du Caravage La vocation de St Matthieu. Il a aussi commenté le récit de la création en Genèse puisque celle-ci est en effet un récit de discernement, de la mise en ordre du tohu-bohu originel. Il a défini la vocation comme une création et une résurrection en même temps qui se caractérisent par les étapes suivantes (selon la peinture du Caravage) : la lumière, l’intériorisation, le renouvellement intérieur, le moment de se décider. L’intervenant a évoqué aussi le besoin du discernement des esprits dans l’accompagnement vocationnel. Le dominicain suisse, le frère Philippe Lefebvre, nous a proposé un éventail de figures bibliques dont les histoires prouvent que le juste n’a pas d’âge et que la jeunesse consiste en une ouverture constante à l’action – parfois invraisemblable – de Dieu dans sa propre vie ou dans les événements. Il nous a invités à « vivre dans la jeunesse de la Vie ».

Nous vous tiendrons au courant de la parution des actes du colloque.

Documents officiels du Synode :
Document final du Synode (27 octobre 2018)
La lettre des Pères synodaux aux jeunes (28 octobre 2018)
Document de travail (Instrumentum laboris) (18 juin 2018)
Plus d’information : www.synod2018.va 

 

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